La véloconomie, ou les activités et retombées économiques du vélo, est un sujet qui gagne en popularité dans différents pays et grandes villes. Depuis 2021, la France dresse un état des lieux des acteurs, des forces et des faiblesses de l’industrie du vélo du pays. Le gouvernement français a compris que le développement du vélo et de sa filière économique constitue un élément prometteur pour son économie et qu’il s’agit également d’une réponse aux enjeux de transition écologique et de santé publique [1].
Le vélo au Québec atteint des sommets
Ces dernières années, la pratique du vélo est devenue plus populaire que jamais au Québec, aussi bien pour se déplacer que pour le loisir, tant sur route que sur sentier. Le vélo représente d’ailleurs la 3e activité physique la plus pratiquée dans la province, constitue le loisir hebdomadaire de 1,6 millions de Québécois et le moyen de transport occasionnel de 2,1 millions de personnes. Cette popularité a généré des dépenses de 565 millions de dollars en achat de vélos et équipements en 2020 [2], et la croissance du secteur apparaît sans limite avec l’explosion du vélo à assistance électrique. Les atouts de la province sont d’ailleurs nombreux : une demi-douzaine de fabricants de vélos reconnus à l’international, la plus grande véloroute en Amérique du Nord (la Route verte et ses 5 300 km), un réseau cyclable urbain de 5 500 km, plus de 20 villes qui disposent de systèmes de vélos en libre-service, et un parc de vélos 10 % plus important que celui des autos.
40 milliards de dollars en France
La France vient de renouveler en septembre 2022 son Plan national vélo (2023-2028). Ce projet politique s’appuie notamment sur le souhait de “réindustrialiser la France du vélo”, et de faire profiter le territoire de la valeur économique de ce secteur. Après un premier plan de 450 millions d’euros lancé en 2018 pour 5 ans, pour la seule année 2023, le gouvernement prévoit des investissements de 250 millions d’euros. Ce choix politique fort s’appuie sur des données probantes faisant état de retombées économiques colossales du vélo, aussi bien pour l’industrie, le commerce de détail, le tourisme ou la logistique urbaine.
Une étude menée en 2020 [3] a mesuré que l’économie cœur du vélo en France – fabrication, vente, réparation, conception et construction d’aménagements cyclables – pèse annuellement pour 2,5 milliards d’euros (3,4 milliards de dollars), et représente 13 500 emplois. Si on y ajoute le tourisme à vélo, et la logistique vélo (livraison), les retombées économiques atteignent un total de 8,2 milliards d’euros (11 milliards de dollars), tout en consolidant 78 000 emplois. Enfin, si l’on tient compte de toutes les externalités positives liées à la pratique du vélo, notamment en santé, le secteur du vélo contribue à la richesse nationale à hauteur de 30 milliards d’euros tous les ans (40 milliards de dollars). Pour avoir un ordre de grandeur, cette somme équivaut à deux fois le budget annuel du ministère de l’Éducation au Québec, pourtant le deuxième en termes de dépenses dans l’économie de la province [4].
Et le Québec, dans tout ça ?
Avec cette popularité grandissante du vélo au Québec et le rôle qu’il peut jouer tant sur le plan de l’environnement, de la santé et de l’économie, il serait plus que pertinent de mener une étude pour évaluer son poids dans l’économie nationale et ce qu’il rapporte collectivement aux Québécois chaque année. D’autres pays comme la France, l’Allemagne et des villes importantes comme New York, Toronto, Copenhague, Portland et Londres l’ont démontré avec des études, le vélo est porteur de retombées économiques directes et indirectes gigantesques, et ce pour des investissements relativement minimes si on le compare avec d’autres secteurs.
À l’heure où les prévisions économiques sont incertaines, et où les orientations politiques et les projets d’infrastructures ne semblent pas toujours alignés avec les impératifs climatiques du moment, les investissements en transport actif – dont le vélo – apparaissent plus que jamais comme une solution simple – et économiquement gagnante – à des problèmes complexes. Pour cela, le gouvernement du Québec gagnerait à lancer une recherche sur la véloconomie afin de disposer d’un portrait chiffré précis et actualisé de ses retombées dans l’économie nationale.
[1] Guillaume Gouffier-Cha, Filière économique du vélo. Rapport. Mission sur la filière écononique du vélo en France, janvier 2022 : https://igedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/Affaires-0012572/014115-01_rapport-publie.pdf;jsessionid=C9775605A7A5E81C5F4F0AA195C5E815
[2] État du vélo au Québec 2020 : https://www.velo.qc.ca/wp-content/uploads/2021/06/vq-edv2020-fr.pdf
[3] Impact économique et potentiel de développement des usages du vélo en France en 2020 ; ; https://librairie.ademe.fr/mobilite-et-transport/332-impact-economique-et-potentiel-de-developpement-des-usages-du-velo-en-france-en-2020.html
[4] https://www.budget.finances.gouv.qc.ca/budget/2022-2023/documents/Budget2223_PlanBudgetaire.pdf#page=38