Je me rappelle de ma première fois en octobre 2005 : découvrir cette ville monument avec cette sensation grisante de liberté que nous apporte le vélo. Je découvrais Paris à deux roues, grisant entre les voitures et les bus. Je me souviens aussi du lancement de Vélib’ en juillet 2007 et de l’ambiance que cela avait apportée. Avant l’arrivée des téléphones intelligents, nous utilisions des cartes papier pour trouver les stations. Parfois, on tombait sur une station vide ou pleine, et il fallait demander son chemin. Soudainement, le vélo est devenu un lien entre les gens dans la ville. Mais aussi un outil qui liait les gens À LA ville.
Depuis cette époque, Paris n’a cessé d’évoluer, et j’ai pu en mesurer toute l’ampleur lors de ma récente visite à la fin février, lorsque j’ai été invité par la FUB pour participer à leur congrès. La FUB (Fédération des Usagers de la Bicyclette) est une association française créée en 1980, qui agit en faveur de la promotion du vélo comme mode de déplacement du quotidien. Elle regroupe aujourd’hui plus de 500 associations locales à travers la France, toutes engagées pour améliorer les conditions de circulation à vélo. Ces dernières années, sous le leadership du président sortant Olivier Schneider, la FUB a réalisé un travail remarquable en mettant en place une série de programmes ambitieux pour faire avancer le vélo. Leur travail est une inspiration pour nous chez Vélo Québec.
Depuis près de vingt ans, Paris développe le vélo pour le rendre accessible au plus grand nombre. Mais les sept dernières années ont vu une véritable accélération. De mon côté, je n’avais pas roulé à Paris depuis cinq ans. Je dois dire que j’ai été sidéré par la quantité et la qualité des aménagements cyclables. Des rues où le vélo était difficile, comme Lafayette, sont maintenant agréables et efficaces. Je n’ai même pas reconnu Saint-Michel, tant il était plaisant d’y rouler. L’intersection des rues Bonne-Nouvelle et Sébastopol est devenue un jeu d’enfants.
Le plus surprenant pour moi, c’est la disparition de l’immense rond-point de la Place de la Catalogne. Aujourd’hui, cet espace autrefois bruyant et stressant s’est transformé en une vaste place piétonne ornée de 470 arbres. Absolument magnifique.
J’ai particulièrement apprécié les nouvelles vélorues en zone commerciale. Créées avec l’ambition d’éliminer complètement la circulation de transit, elles offrent un cadre de vie des plus agréables. La fin du transit automobile permet aux commerces de s’ouvrir vers la rue. L’atmosphère est complètement transformée.
Mais ce qui m’a touché droit au cœur, c’est de voir des Parisiennes et des Parisiens de tous âges choisir le vélo pour se déplacer. Même en février, même sous la pluie. J’ai croisé des étudiants pressés, des travailleurs en costume, des parents accompagnant leurs enfants, et des personnes plus âgées qui profitaient paisiblement de leur trajet à vélo. Cette diversité m’a ému, car elle est le véritable signe d’une ville qui a su transformer son rapport à la mobilité. Au moment où j’ai vu une vieille dame interpeller fermement un livreur stationné illégalement sur la piste cyclable, j’ai réalisé que Paris était vraiment devenue une ville de cyclistes.
On remarque un pragmatisme et une créativité remarquables dans les nouveaux aménagements. Les infrastructures de 2023 et 2024 sont encore meilleures que celles de 2019. La vision est claire et la Ville de Paris avance sans compromis face aux critiques. Et les résultats sont fabuleux : amélioration de la qualité de l’air, réduction du bruit, diminution des collisions. Aujourd’hui, il y a plus de gens qui se déplacent à vélo qu’en voiture à Paris.
Avec humilité et courage, la Ville de Paris a accompli ce que tout le monde croyait impossible : faire de Paris une grande ville cyclable. Personne n’y croyait, mais Paris l’a fait. Paris nous montre que les rêves urbains les plus fous peuvent devenir réalité. À l’aube des prochaines élections municipales au Québec, qui pourra incarner une vision semblable pour transformer sa ville?
Jean-François Rheault
Président-directeur général, Vélo Québec