Montréal, le 18 mars 2024 – Chaque année, depuis plus de 30 ans, le magazine Québec Science réunit un jury de scientifiques et de journalistes pour sélectionner les 10 découvertes québécoises les plus impressionnantes de la dernière année. Le public est ensuite invité à voter pour sa préférée. Cette année, c’est la découverte de Gabrielle Garon-Carrier, professeure au Département de psychoéducation de l’Université de Sherbrooke, qui a recueilli les faveurs du public. Elle démontre les bienfaits d’un congé de maternité long sur la santé mentale des enfants et ce, même lorsque le congé entraîne une baisse de revenus substantielle.
Contexte
Au Québec, dans la plupart des cas, les parents ont la chance de pouvoir s’arrêter de travailler plusieurs mois pour accueillir leur bébé tout en recevant une partie de leur salaire. Mais, dans certaines familles, cette réduction de revenus peut être difficile à encaisser. Dans un tel cas, qu’est-ce qui est le moins préjudiciable pour l’enfant : le garder longtemps à la maison et vivre un stress financier ou retourner au travail rapidement ? Dans leur étude publiée en juillet 2023 dans la revue Health Education and Behaviour, les professeures Gabrielle Garon-Carrier et Caroline Fitzpatrick ont montré qu’un congé de plus de 5 mois diminue de manière importante le risque de développer un problème d’anxiété de séparation pendant la petite enfance, et ce, même en cas de situation financière précaire.
L’étude
Jusqu’ici, très peu d’études s’étaient intéressées au lien entre les congés parentaux et le bien-être des enfants. L’équipe a sondé plus de 1295 familles québécoises réparties en trois groupes de mères qui, 5 mois après la naissance de leur enfant, étaient soit en congé de maternité sans difficulté financière, soit en congé de maternité et en situation de précarité économique, soit retournées au travail. Les résultats montrent que les enfants de mères qui étaient en congé lorsque ces derniers étaient âgés de 5 mois avaient un niveau d’anxiété de séparation moindre entre 17 mois et 6 ans que celui des enfants dont les mères avaient repris le travail.
Une validation nécessaire
Le Québec bénéficie de congés parentaux particulièrement souples et généreux, ce qui est loin d’être le cas partout. À l’heure où plusieurs nations travaillent à bonifier ou faire évoluer leurs propres prestations parentales, les données probantes s’avèrent indispensables. « Ce type d’études permet d’apporter des arguments scientifiques solides, qui étayent l’importance des congés de maternité pour le développement de l’enfant, affirme Marine Corniou, rédactrice en chef de Québec Science. Il est rare qu’une découverte en sciences sociales se hisse en tête du palmarès; je pense que cela reflète les préoccupations de la population et confirme la pertinence, pour un magazine comme le nôtre, de couvrir aussi ces enjeux. »
Poursuivre sur cette lancée
Cette reconnaissance de Québec Science a un impact certain sur la suite des travaux : « J’ai prévu poursuivre cette étude en examinant de manière plus granulaire et raffinée la contribution du congé parental (incluant le congé paternel) à la santé mentale des parents et à la santé cognitive et mentale du jeune enfant. », mentionne la professeure Garon-Carrier.
À court terme (printemps-été 2024), elle sera en mesure d’accéder aux données administratives du Régime québécois d’assurance parentale, couplées aux données de l’enquête Grandir au Québec (l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec – 2e édition), ce qui lui permettra de dresser un premier portrait des profils d’utilisateurs des congés parentaux (incluant un profil de non-utilisateurs). Nul doute que nous restons aux aguets pour connaitre la suite…
Ont aussi participé à cette découverte : Arya Ansari de l’Université d’État de l’Ohio, aux États-Unis, et Rachel Margolis de l’Université Western Ontario.