Vers une nouvelle politique québécoise de mobilité durable

Le 1 juin 2013

Vélo Québec assistait les 23 et 24 mai à la consultation sur la nouvelle politique de mobilité durable que le gouvernement du Québec souhaite mettre en place en 2014.

Vélo Québec a rappelé au gouvernement que le modèle actuel d’aménagement du territoire, destiné en priorité à la voiture, est un modèle coûteux qui a primé au cours des cinquante dernières années et dont notre société n’a plus les moyens de soutenir. Les coûts faramineux d’entretien auxquels nos gouvernements sont confrontés aujourd’hui le confirment. Et cela, sans compter les conséquences en terme de congestion routière et d’inefficacité des déplacements. Les émanations de substances polluantes néfastes pour la santé et la production de GES nous commandent d’agir afin de renverser la vapeur. Le temps presse!

Le transport actif comme solution
Le transport actif, c’est le vélo bien sûr, mais aussi la marche et la combinaison de ces deux modes au transport en commun, un allié indispensable. Pour gagner le pari de la réduction de la dépendance à l’automobile, il faut pouvoir compter sur les bénéfices que procure la combinaison des modes actifs avec le transport en commun.

Les investissements en transport collectif et actif sont à la base du déploiement d’une mobilité durable. Entretenir les infrastructures routières actuelles est une responsabilité de l’État. En accroitre la capacité serait irresponsable pour un État qui se préoccupe de l’efficacité des déplacements, qui veut réduire ses GES et qui vit une crise des finances publiques.

À Montréal, Québec et Gatineau, 1/3 des travailleurs résident à moins de 5 km de leur lieu de travail. Dans des villes comme Trois-Rivières et Sherbrooke, 50 % résident à moins de 5 km de leur lieu de travail. Considérant que 54 % de la population québécoise fait du vélo et que 37 % l’utilisent à des fins de transport, il n’est évidemment pas farfelu de penser que le vélo est une solution facile et peu coûteuse à la question de la mobilité urbaine.

Montréal est devenue la capitale nord-américaine du vélo et le potentiel de croissance est énorme. À Montréal, 53 % des cyclistes utilisent le vélo à des fins de transport : c’est le quart de la population montréalaise. Alors que la part modale du vélo atteint 2 % à l’échelle de l’île de Montréal, dans les quartiers centraux (600 000 résidants), elle dépasse 4 %, et dans Le Plateau-Mont-Royal (100 000 habitants,) elle dépasse les 10 %. Imaginez lorsque la part modale du vélo dans les quartiers centraux de Montréal sera à 15 %! Voilà un objectif atteignable dans un horizon de 10 ans pour Montréal et modulable pour le reste du Québec.

Apaiser la ville!

  • Le principal frein aux déplacements à pied et à vélo, c’est le nombre et la vitesse des voitures. Utiliser sa voiture, OUI, utiliser sa voiture en tout temps et en tout lieu, NON. Concevoir un environnement favorable pour les piétons et les cyclistes demande du temps, de l’argent, mais pas mal moins que pour les routes et autoroutes, et demande surtout du courage politique, car les choix en faveur des transports actifs doivent s’accompagner de choix en défaveur de la voiture solo.

Des mesures concrètes pour favoriser le transport actif

  • Aménager des voies cyclables (bandes, pistes, vélo rues, cheminements prioritaires à double sens sur les rues à sens unique), des stationnements vélo sécuritaires, bref bâtir un réseau cohérent qui permet les déplacements vers les pôles d’emploi, les rues commerçantes et les institutions de la vie de quartier. Plus il y a de pistes, plus il y a de cyclistes, c’est mathématique.
  • Le rapport coût/bénéfice d’aménagement de voies cyclables est tellement extraordinaire qu’on s’étonne que si peu d’argent y est dévolu chaque année et que plusieurs municipalités amputent ce budget lorsque le couperet tombe.
  • Le ministère des Transports doit accompagner les villes dans les investissements requis pour l’aménagement du territoire afin de favoriser la marche et le vélo et allouer des crédits substantiels. Les 8 M$ annuels du fond vert ajoutés aux investissements du MTQ pour la Route verte équivalent à 0,4 % du budget d’immobilisation du MTQ. Aux Pays-Bas, 550 M$ ont été investis en 2012 par le gouvernement et les villes pour développer l’infrastructure vélo. Les investissements sont payés à 50 % par les villes, à 50 % par les gouvernements supérieurs. Le Québec a certes investi régulièrement dans les infrastructures cyclables dans les 25 dernières années, principalement en aménagements destinés au loisir. Ces investissements ne sont pas étrangers à la popularité du vélo au Québec et à l’avance considérable que nous avons sur les autres provinces et États d’Amérique du Nord. Mais ne nous arrêtons pas au moment où des investissements dans les réseaux urbains, plus complexes, sont requis pour faire passer plus de Québécois de cycliste de loisir à cycliste au quotidien.
  • Les municipalités devraient avoir l’obligation d’élaborer un plan de mobilité durable incluant le vélo et la marche, doté d’objectifs chiffrés de transfert modal. Doubler la part modale du vélo n’est pas un objectif ambitieux. Mais chercher à atteindre 10 % à 15 % des déplacements à vélo dans un horizon de 10 ans, voilà un objectif stimulant qui ressemble aux taux des villes inspirantes du nord de l’Europe.Vélo et transport collectif : un mariage de raison
  •  Le ministère des Transports doit exiger des sociétés de transport un plan pour que ces dernières puissent appliquer toutes les mesures possibles afin d’accroitre la complémentarité entre le vélo et le transport collectif. Des exemples : stationnements vélo sécuritaires aux terminus d’autobus, gares de train et stations de métro; supports à vélo sur les autobus (comme sur 85 000 autobus en Amérique du Nord); amélioration du transport des vélos (capacité et horaire) dans le métro et les trains de banlieue et les traversiers; aménagement de voies réservées pour bus, taxi et vélo. Bref, le transport collectif et actif offre des occasions de déplacements efficaces et peu coûteuses.
  • Vélo et taxi, comme certains pays européens, obliger les taxis à se doter de supports à vélo afin de pouvoir transporter les vélos complèterait la chaîne de complémentarité entre le vélo et les transports publics.

Quelques idées additionnelles

  • Revoir le Code de la sécurité routière. La dernière grande révision du code date de 1981. Depuis, des réformettes ont contribué à moderniser un peu le Code, mais pas au niveau requis afin de tenir compte de la réalité des piétons et des cyclistes. En Europe, l’approche du code de la rue a permis de revoir le code de la route et de donner une priorité claire aux piétons et aux cyclistes.
  • Le système de vélos en libre-service a contribué à démocratiser l’usage du vélo en ville. Le cas de Montréal est patent, tout comme dans 500 autres villes dans le monde. Mais le succès de Bixi tient aussi au fait que la culture vélo était bien implantée à Montréal et qu’un bon réseau de pistes cyclables facilitait les déplacements. Mais les questions de financement de Bixi ont détourné l’attention de ce service public qu’on voudrait rentable. Envisageons les systèmes de vélo en libre-service comme le transport collectif : c’est une offre de transport public dont les bénéfices pour l’État sont tels qu’ils justifient l’argent qu’on y injecte. Surtout que les sommes en jeux sont minimes sur l’échelle des investissements publics en transport.
  • Offrir un crédit de taxe à l’achat d’un vélo pour les premiers 500 $ serait un geste concret d’aide que l’État peut apporter pour l’achat d’une bicyclette. Entre subventionner une voiture électrique et un vélo, le choix est clair!

Le MTQ façonne le paysage du Québec depuis 100 ans. Il a un rôle direct (avec ses aménagements et les programmes incitatifs qu’il met de l’avant) et a un rôle indirect, par le lien qu’il peut assurer avec l’ensemble des autres ministères et organismes publics responsables de la qualité de l’environnement, de la santé et des saines habitudes de vie. Il a un rôle majeur aussi à l’égard du milieu municipal. Nous suivrons les travaux concernant cette politique afin que le Québec entre dans l’ère des déplacements du 21e siècle, axés sur la mobilité des personnes plutôt que sur la mobilité des autos.

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